L'aire de jeux

 

 L’amie d’un ami de Robert Gros-Doigts lui évoque un rêve. Elle souhaite une aire de jeux à la taille de l’adulte, à son échelle. Elle donne l'exemple de grandes échelles avec des barreaux très espacés, comme un enfant face à un jeu fait pour lui. La contrainte devrait être proportionnellement égale. M. Gros-Doigts décide d’investir un terrain vague. Le terrain se trouve entre deux murs aveugles. Au fond, il y a un mur moins haut que les deux autres, mais quand même trop haut pour voir de l’autre côté. Il ne sait pas ce qui se trouve derrière. De grandes grilles entoilées gardent ce lieu clos et invisible à la rue. Robert Gros-Doigts l’a découvert en regardant par un trou se trouvant sur cette barrière. Il y ouvre une porte puis commence par vider cet espace des débris qui jonchent son sol. Il emmène une bonne partie des déchets à la décharge et conserve quelques matériaux qu’il juge réutilisables.  L'aire de jeux

 

 Il se rend chez lui et se met au travail. Il pense à une forme à bascule, une échelle en demi-cercle fixée à un grand cerceau incurvé de part en part. Il prend des tubes en acier pour construire ce jouet de grande taille. Avec une cintreuse, il arrondit de grandes barres pour obtenir deux demi-cercles de taille égale: ce sont les tubes porteurs des échelons. Il agit aussi à l’aide de cette machine, sur deux autres barres plus longues. Il les cintre en leur milieu de manière similaire aux précédentes puis courbe les extré- mités restées droites dans une autre direction.

 

 Tous les échelons sont bien soudés, solidement fixés, l’acier se confond. Il joint alors l’échelle courbe et la forme circulaire là où celle-ci est en contact avec le sol. Il déverse dans le terrain vague des copeaux de bois et y place en son centre la forme qu’il a construite. Il décide à présent de construire un banc avec 3 blocs de pierre, deux de taille égale pour faire les pieds et un plus long pour faire l’assise. Il le positionne à droite, proche d’un des deux murs aveugles, aux deux tiers de la profondeur de l’espace. Il plante un figuier au fond dans l’angle droit. Il détruit les grilles ouvrant le terrain sur la rue. Dans l’autre coin, il place un tas de galets qu’il a amassés pendant de multiples années, ces pierres sont des souvenirs de voyages qu’il a ramassés au bord de mer ou dans des torrents.

 

 Cette direction est perpendiculaire à celle de la première courbure. Puis il soude entre eux ces deux morceaux par leurs extrémités. Après, il découpe à l’aide d’une scie circulaire les échelons dans d’autres tubes d’aciers du même diamètre. Ils sont tous de la même taille. Ensuite, il utilise la meuleuse pour découper leurs extrémités, de sorte qu’elles épousent la surface des tubes porteurs. Il s’attaque à l’assemblage de l’échelle. Il maintient à l’aide d’étaux les deux demi-cercles parallèles. Il les place symétriquement, puis positionne le premier échelon entre ces deux tubes, le gardant xe grâce à un troisième étau. Il joint l’échelon aux barres d’aciers avec une soudure à l’arc électrique. Ses mains et son corps sont protégés. Il porte un masque. Il voit ce qu’il fait à travers une lucarne. Il peut mettre la lucarne sur deux positions. Une où il voit nor- malement et l’autre où il ne voit que lorsque le métal fond. Vient au travers du regard, un morceau de matière qui atténue la violence des rayonnements de l’arc électrique. Il répète cette opération.

 

 Il place à l’entrée deux larges toboggans courbes. Reliés en leur sommet, ils forment un abri. La plate forme haute s’atteint par deux échelles : une adaptée à la taille des enfants et l’ autre adaptée à la taille des adultes. Elles sont placées de chaque côté: côté rue et côté jardin. Les trajectoires des deux toboggans sont symétriquement opposées. Elles commencent au bord de la rue et sont parallèles à celle-ci. Les deux pentes se terminent proches des deux murs aveugles et parallèles à ceux-ci. Les deux slideurs sont dos à dos. Ils s’élancent et arrivent plus loin dans l’espace jeux. Robert Gros-Doigts installe une vasque en pierre, à gauche contre un des deux murs aveugles, à la moitié de la profondeur du terrain. Puis il détourne une gouttière pour que l’eau de pluie vienne la remplir et même parfois la faire déborder.

 

 Au milieu de l’étendue d’herbe, ils forment un large cercle avec de grandes roches, d’autres de taille moyenne et des gravats. Ils recouvrent ce monticule circulaire par un grand tas de terre. Ils le tassent puis creusent son sommet. Ils tassent aussi le creux. Ils placent en son centre une chape de béton qui vient se lover dans la cavité. Elle est percée en son fond. Le trou est relié à un tuyau qui passe sous le monticule pour évacuer l’eau de pluie. Les pentes du volcan sont douces sur l’un de ses flancs et abruptes sur l’autre. Le dénivelé change progressivement autour de la forme. Il est facile de gravir l’inclinaison à l’intérieur du trou concave. Ils sèment de l’herbe dense et des plantes à racine profonde pour solidifier les sols. Ils attendent le temps qu’il faut. Une fois la colline creuse verdie, Robert Gros-Doigts y place en son centre sa collection de balles rebondissantes. Il l’a constituée au l des années, ce sont des cadeaux, des trouvailles, des achats ou des larcins dans des magasins de merveilles, des échanges avec les machines

 

 M.Gros-Doigts se demande ce qu’il y a derrière le mur du fond. Il construit une grande échelle pour voir de l’autre côté. Il grimpe et aperçoit à sa grande surprise un lac entouré d’une étendue d’herbe, d’une plage, d’une forêt et de deux collines. Par endroits ces éléments se confondent. Il place une autre échelle de l’autre côté du mur pour pouvoir s’y rendre. Il crée un passage. Il installe une plate forme de sécurité entre les deux échelles et ajoute deux autres échelles pour adultes de part et d’autre du mur. Sur la plate forme, il place des jumelles sur pied pour voir plus loin et plus précisément dans le paysage. Puis il invite des ami(e)s pour partager la découverte. Ils pénètrent dans ce nouveau paysage. Un de ses ami(e)s, M.L’oiseau lui con e quelques couleurs qui n’étaient pas en sa possession. Ils se demandent s’ils peuvent toucher ce territoire inconnu. Ses ami(e)s le poussent à entreprendre un projet paysager. Robert Gros-Doigts leur demande conseil. Ils jugent possible de faire quelques transformations.

 

oubliées des aires d’autoroute ou des vieux supermarchés. Il a une histoire à raconter pour chacune de ses balles. Ensuite, il place un demi-toit surélevé au-dessus de la moitié du cratère pour pouvoir s’allonger et regarder le ciel, se protéger des intempéries et voir le paysage, raconter des histoires et être dans un espace maison. Ils jouent à sortir les balles du cratère. Après ils s’amusent à les chercher au pied de la colline ou cachées dans la végétation. Dès qu’ils en trouvent une, ils la lancent en visant l’emplacement d’origine. Ils nomment ce jeu, le volcan. Puis ils décident de construire un immense toboggan qui irait du sommet d’une des deux collines jusqu’en bas vers la plage. Ils le dessinent puis le conçoivent. Ils le testent et s’en réjouissent. Ils remontent et glissent de nouveau. C’est sans fin.

 

 Robert Gros-Doigts propose la construction d’un radeau fait de troncs reliés entre eux par des liens. Ils choisissent certains arbres à différents endroits de la forêt pour répartir et diluer le déboisement. Un petit peu de lumière pour les nouveaux arrivants, ça ne peut pas faire de mal. La forêt s’étend sur une forte pente. Une fois coupés, les troncs glissent jusqu’au lac. Ils rassemblent les troncs, les as- semblent avec des cordages, se confectionnent des pagaies puis voguent jusqu’à l’autre rive. Ils tendent une corde entre les deux berges pour que d’autres puissent traverser si les pagaies venaient à disparaître.